J’ai découvert une série étonnante en diffusion sur Canal Plus, puissante, menant à un débat de société intéressant sur les différences culturelles entre la France et les Etats-Unis et le regard que la société porte sur certains événements.
Si non, je vous la recommande, vivement. Vous pouvez alors cessez de lire cet article et y revenir lorsque vous l’aurez terminée car je risque de vous spoiler et vous n’aurez après ce paragraphe pas le bagage nécessaire pour participer à la conversation et au débat.
Si vous l’avez déjà vue, alors, ça vous dit d’en discuter ? 🙂
J’ai trouvé cette série intéressante car elle met en scène plusieurs sujets assez questionnants et profonds.
La perte d’un grand amour
Est-ce que l’on peut vraiment perdre un grand amour ? C’est la question que cette série pose d’une manière détournée car malgré tout ce qui arrive aux personnages, on ne peut s’empêcher de se demander : pourquoi, s’ils s’aimaient vraiment, n’ont-ils pas fini ensemble ?
Le dernier épisode de type « épilogue » m’a vraiment troublée, notamment lorsque la protagoniste fait part de son analyse actuelle de cette ancienne relation qui a bouleversée sa vie.
Elle dit à ce jeune homme, avec qui elle a eu une relation dix ans plus tôt, alors qu’il était encore au lycée et qu’il était son étudiant, qu’elle pense qu’elle a démarré cette histoire dans le but de détruire son mariage, qui ne marchait pas, et qu’elle ne savait pas comment achever.
J’ai trouvé assez dure et inattendue cette analyse car cela objétise complètement le jeune homme. Après tous les sentiments que l’on a vus se déployer entre eux, cela donne une simple fonction à cette rencontre : celle de la faire sortir d’un mariage dans lequel elle s’ennuie. Je comprends que cela ait fait l’effet d’une flèche au jeune homme en entendant cela.
Notamment car pendant quasiment toute la série, on croit à une vraie histoire d’amour naissant entre eux. On a l’impression qu’elle tombe réellement amoureuse de lui, au fil de leurs rencontres et on n’a pas le sentiment qu’elle l’utilise.
Lui s’attache à elle sincèrement et même éperdument, aussi car il s’agit de son premier vrai amour. Il en perd tous ses repères lorsque cela se termine (de façon plus que dramatique) entre eux.
Leur histoire était-elle possible ou réellement impossible ?
On peut se demander si leur histoire était vraiment tout à fait impossible ou s’ils se sont laissés abattre par le contexte… Ou si leurs sentiments n’étaient au final pas si profonds que ça.
On ne sait pas, ou je n’ai peut-être pas compris, si, après sa sortie de prison, elle est tenue de ne plus le voir ou si elle aurait pu continuer à le fréquenter ? Je me suis posée la question. Si vous avez la réponse, n’hésitez pas à l’écrire dans les commentaires.
En tous cas, cela donne l’impression qu’ils perdent leur amour, qui se retrouve détruit voire même déchiqueté sur le banc de la société et de la bien-pensance. Et par moments, on se demande : mais au fond, de quoi se mêlent-ils tous ces gens qui se ruent sur eux pour les détruire bien plus que leur histoire n’aurait pu le faire ?
La dénonciation, le jugement
Pensez-vous que l’enseignante qui les a dénoncés a eu raison de le faire ? Qu’elle a fait son devoir ?
Pensez-vous que la société est dans le droit chemin lorsqu’elle nomme cette enseignante de prédatrice ? Ne pensez-vous pas que c’est un peu exagéré ?
Paumée oui, en rébellion contre l’ordre établi, certainement, en recherche de sensations et de fun, sûrement aussi oui. Mais les termes employés pour la définir sont tout de même choquants et vont assez loin.
Surtout que, soyons honnêtes, les relations entre profs et élèves sont très répandues dans la réalité. J’en ai su, vu et entendu de multiples exemples. Après bien sûr, ce n’est pas idéal, ce n’est souvent pas très constructif, ou rarement, mais cela ne fait-il pas partie des aléas et des imperfections de la vie ? Après il est évident qu’il vaut mieux ne pas se faire attraper mais en France, ce type d’histoire n’aurait jamais lieu à de telles conséquences.
Un puritanisme avéré, mais est-il vraiment justifié ?
Cette série n’est-elle pas un bel exemple de ce puritanisme américain si souvent évoqué et controversé ?
Pour ma part, j’ai trouvé les réactions des gens autour de cette histoire tellement extrêmes qu’elles se sont avérées beaucoup plus toxiques pour les protagonistes et leurs vies que n’aurait pu l’être leur histoire.
Les gens que leur histoire révolte et ceux que cela excite littéralement sont effrayants. A aucun moment ils ne font preuve d’humilité face à la situation en se disant simplement que ce sont deux humains et que personne ne peut juger de l’extérieur de ce qu’ils vivent réellement. La seule personne qui aborde les choses avec un peu de douceur et d’humanité est sa mère à lui, qui ne juge pas et essaye de le soutenir dans cette traversée sentimentale et societale épineuse.
Au final, il avait dix-huit ans, sa prof en avait entre 30 et 40 (connaît-on son âge exact ?), c’est étonnant mais ce n’est pas non plus si choquant que cela. Il n’avait pas 12 ans et elle 65. Les gens réagissent comme si c’était le cas. Il est beau, elle est belle aussi, ils ont besoin l’un de l’autre de deux façons différentes, leur attraction s’explique facilement. D’où vient le besoin d’en faire un procès ? Quelle absurdité d’aller en justice pour de tels faits.
Les cadres de la société sont-ils toujours salutaires ?
Je trouve que toutes ces règles et cadres font complètement disparaître l’humain, dans sa complexité, dans toutes les nuances et couleurs de ce qu’il peut être et ressentir pour faire place à un seul maître : le jugement. Mais il ne faut pas oublier que le JUGE MENT. Et ne reflète souvent pas la réalité. Il reflète plutôt celle que la société a inventé et voulu imposer à tout le monde dans une volonté d’uniformisation de la vie humaine.
Le procès de la sincérité
Si jugement il y a, selon moi, elle devrait simplement être jugée sur sa sincérité. Si elle ne l’aimait pas vraiment, il est évident qu’elle a fauté en faisant ce qu’elle a fait. Car il n’est pas impossible qu’un vrai amour naisse entre deux êtres de classes et de positions sociales différentes. Heureusement que ce n’est pas impossible. Par contre, l’amour donne en général la force aux personnes d’affronter toutes les situations qui s’opposent à eux. Et là, ce n’est pas le cas.
Et à la fin, on se demande si le discours froid et distancié qu’elle tient sur leur histoire est celui que les psys lui ont fait entrer dans la tête afin de la faire rentrer dans les cases acceptables par la société et se rassurer elle-même ou si c’est vraiment ce qu’elle pense et ressent elle ?
Avait-elle un vrai amour pour lui, qu’elle a complètement renié face à l’adversité ou s’est-elle vraiment servi de lui comme elle le prétend à la fin ?
Pourquoi prend-elle le risque, si énorme, d’en parler à sa collègue, qui plus est travaille dans le même établissement qu’elle ?
Beaucoup de questions avec lesquelles nous laisse cette série, à voir et revoir, tant elle est sincère, pleine de beaux moments, et qui, malgré la fin, donne à voir une belle palette des couleurs d’un début d’histoire d’amour.
Mon épilogue
J’ai envie de laisser cette série derrière moi en me disant qu’elle l’aimait vraiment mais qu’elle n’a pas pu supporter tout ce que leur histoire a engendré et qu’elle a donc étouffé ses sentiments pour lui.
Six mois de prison ferme pour une amourette n’est-ce pas un degré de punition hallucinant ? C’est sûr que cela peut détruire et effrayer au point de pousser quelqu’un à passer à côté du plus grand amour de sa vie et d’ailleurs c’est le but de ces punitions mais sont-elles adaptées à l’humain ?
C’est triste mais je le vois régulièrement : cela arrive à pleins de gens de céder à la peur et au regard des autres, au détriment de ce qui était peut-être la rencontre la plus exceptionnelle de leur vie…
Très bien cet article 🙂 Je viens de terminer la série avec le même ressenti que toi. L’auteure nous offre t-elle un discours puritain de complaisance en surface ? Ou il y a un discours émotionnel de fond ? Le manque de congruence entre les dires et les sentiments est omniprésent dans la série. L’explication de Claire à la fin est prémachée comme si ses pensées étaient un copie-coller de celles des autres. Pourtant, outre le débat du rapport hiérarchique prof-élève, il n’y a que leur relation qui semble résonner avec de l’authenticité. Clairement, tous les personnages autour sont toxiques. Le mari de Claire est totalement immature et ses réactions sont puériles, les ami(e)s d’Éric n’ont aucune profondeur ni dans leurs conversations ni dans leurs rapports notamment intimes… tristesse.
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Merci de ton commentaire 🙂 ça me fait plaisir de lire que tu as eu les mêmes ressentis. Je trouve également qu’elle s’est retranchée derrière des paroles qui ne lui appartenaient pas. Elle semble répéter ce que ses psys et la bien-pensance qui l’entoure, même celle de son père qui ressurgit soudain dans sa vie, lui ont inculqué pour la « réhabiliter ». Ils sont tous pétris de leurs jugements, comme s’ils n’avaient jamais rien vécu qui les dépassait. Je trouve aussi que leur amour avait l’épaisseur de l’authenticité, en tous cas, leurs sentiments naissants sont vraiment bien filmés et retranscrits, ça m’a beaucoup touché. Je sais qu’il existe des couples qui se sont formés ainsi, même aux Etats-Unis, et qui, avec le temps et les années, ont réussi à vivre leur histoire et, non sans mal, à la faire accepter, j’avais vu un reportage sur ce sujet, lié à une histoire similaire qui avait fait scandale. C’est vrai que leur entourage est terrifiant, notamment cette prof qui les dénonce alors qu’elles sont amies et qui n’a aucune pitié pour les dégâts qu’elle va lui causer… Au final, je me suis réjouie en me disant que j’avais un entourage bcp plus tolérant et ouvert d’esprit que ça ! :))
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Beaucoup aimé cette série jusqu’à la découverte du dernier épisode, sommet de néo puritanisme et de victimisation woke. La série est intéressante pour ce qu’elle dit de l’évolution des états d’esprit (à comparer avec le traitement du même sujet dans Dawson).
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Merci pour ton commentaire ! 🙂 Je suis tout à fait d’accord avec l’aspect choquant du puritanisme mis en avant par ce dernier épisode qui est vraiment douloureux pour les spectateurs, avec une image de la société américaine vraiment peu reluisante et liberticide. D’après toi, comment est traité ce sujet dans Dawson ? Car j’en ai un souvenir bien moins dramatique justement dans Dawson, avec une Tamara bien plus libérée, et qui pourtant est une série beaucoup plus ancienne…
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